“La situation est critique, l’enjeu est crucial”

Elle était l’invitée surprise du casting ministériel en juillet dernier. Tout juste élue députée fédérale, l’ancienne échevine marchoise, Valérie Lescrenier, avait pris la route des vacances avec le sentiment du devoir accompli. Mais ça, c’était jusqu’à ce que son smartphone retentisse…

Rencontre avec Valérie Lescrenier

  • Est-ce qu’on doit t’appeler “Valérie” ou “Madame la Ministre” ?

De toi à moi, moi, je préfère qu’on m’appelle Valérie.

  • Peux-tu nous raconter comment tu as appris ta désignation comme ministre ?

Je ne m’attendais tellement pas à être ministre que j’étais partie en vacances avec mes enfants. On venait d’arriver. On était en train de faire les courses pour remplir le frigo quand mon téléphone a sonné. C’était Maxime Prévot ! Quelques heures plus tard, j’étais dans un TGV vers Bruxelles…

  • Les premiers jours comme ministre, comment ça se passe ? Comment appréhende-t-on ce nouveau rôle ?

Je t’avoue qu’on vit un tourbillon d’émotions. On passe par tous les sentiments. Des moments de grande joie. Puis du stress où on se dit “Qu’est-ce qu’il m’arrive ?”. Mais au final, tu n’as pas le choix, tu poignes dedans, tu constitues ton équipe, tu rencontres les acteurs du secteur, tu prêtes serment et tu es tout de suite plongée dans le bain ! C’est la folie, en fait.

  • Qu’est-ce qui a changé dans ta vie depuis cette désignation ?

Je travaillais déjà beaucoup avant mais maintenant, je travaille vraiment beaucoup, beaucoup ! C’est une vie trépidante où tu es sans cesse en mouvement. C‘est très riche et intense.

  • C’est quoi “le plus cool” quand on est ministre ?

Le plus cool, c’est certainement cette opportunité de rencontrer toute une série de personnes que je n’aurais jamais croisées autrement.

  • Et “le plus dur”, alors, ce serait quoi ?

C’est assurément le rythme avec lequel on doit composer. Le fait que tes journées ne se déroulent jamais comme prévu parce que tu fais sans cesse face à des urgences. Il y a toujours une urgence qui vient s’ajouter aux autres urgences… Ça ne s’arrête jamais. Tu es tout le temps sous pression.

Lescrenier Minsitre
  • Tu es la première femme provenant de la province de Luxembourg à devenir ministre. Ça t’inspire quoi ?

C’est un grand honneur, évidemment. Mais découvrir la fonction de ministre me donne aussi encore plus de respect et même d’admiration pour toutes les personnes qui ont exercé cette charge avant moi. C’est tellement exigeant. Bien sûr, ça t’apporte beaucoup mais ça nécessite aussi de donner énormément.

  • Tu es également maman. C’est vraiment compatible avec un agenda de ministre, ça ?

J’ai trois chouettes enfants. Qui sont grands, heureusement. Mes deux aînés sont en kot, mon dernier est en rhéto. Ils sont très soutenants par rapport à mon investissement politique. Notre vie est très rock ! Il n’y a pas deux jours les mêmes. Mais on arrive chacun à trouver notre place et, au final, tout le monde est très épanoui.

 

  • Un des enjeux pour les prochaines années, c’est l’accès aux crèches et aux milieux d’accueil. Pour les jeunes parents, trouver une place, c’est très compliqué et parfois très cher. Quelle est la situation ?

La situation, elle est critique. Et l’enjeu, il est crucial. On connaît tous des tas de familles qui cherchent une place en crèche pour leur enfant. C’est super paradoxal : on a tous ces couples qui se réjouissent d’avoir un enfant. Et puis, 24 heures plus tard, c’est déjà le gros stress: “Qui va garder cet enfant lorsque je vais retourner travailler ?”. C’est vraiment un parcours du combattant. Il faut identifier les milieux d’accueil autour de chez soi. Faire toutes les démarches administratives pour s’inscrire. Et, en parallèle, il faut déjà réfléchir au plan B si on n’obtient pas de place. C’est beaucoup d’angoisse pour les parents malgré tout le bonheur d’une grossesse. On doit pouvoir amener une réponse à toutes ces familles qui galèrent.

  • En tant que ministre de la Petite Enfance et des Infrastructures d’accueil, qu’est-ce que vous avez prévu pour ça ?

On a un plan sur 5 ans. D’abord, on veut répondre aux familles qui s’inquiètent de voir leur milieu d’accueil fermer parce qu’il est vieillissant. On doit donc investir pour rénover. On doit aussi les pérenniser en finançant, par exemple, le poste de directeur par des moyens publics. On doit aussi créer des nouvelles places. Pour ça, on va lever toute une série de freins soulevés par les porteurs de projets: échéances trop courtes pour finaliser les chantiers, coûts de construction qui se sont envolés, pénurie de matériaux biosourcés qu’ils sont tenus d’utiliser…

Enfin, dès l’année prochaine, on lancera un nouvel appel à projet pour couvrir l’ensemble du territoire avec 5.000 nouvelles places.

 

  • On manque de places en crèche mais on manque aussi de personnel. Trouver une puéricultrice, c’est devenu compliqué. Pourquoi ?

Avoir une super crèche sans personnel, c’est effectivement problématique. Pour répondre à la pénurie, on doit commencer par rendre ce métier d’accueillant de la petite enfance plus sexy auprès de jeunes. Aujourd’hui, on a l’impression qu’accueillir les enfants, c’est un métier super pénible et pas valorisé. On doit vraiment redorer l’image de cette belle profession.

La deuxième chose, c’est qu’à l’heure où il y a plein de gens qui souhaitent se reconvertir professionnellement, on doit pouvoir créer des ponts pour toute une série de métiers qui pourraient mener plus facilement vers l’accueil de la petite enfance. Tout cela sans pour autant brader la qualité en matière d’accueil.

 

  • Est-ce que les parents qui travaillent doivent avoir la priorité pour décrocher une place en crèche ?

Le système prévoit une priorité pour les familles qui travaillent mais aussi pour celles dont les parents sont en formation ou en recherche d’emploi. Ce qui couvre déjà un large pan de la population.

Mais à côté de ces places “classiques”, on doit assurer l’accès à un milieu d’accueil pour tous les enfants. On sait combien les 1.000 premiers jours d’un enfant sont importants. Ça va l’aider à trouver sa place dans la société, à avoir confiance en lui, à s’épanouir… On ne doit donc laisser personne au bord de la route.

 

l’interview en vidéo

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