2. Éliminer nos émissions plutôt que les déplacer : généraliser le système de quotas / taxe carbone (EU) à l’ensemble des produits (incl. imports) et améliorer les mécanismes de protection (entreprises et citoyens).
On regarde actuellement le mauvais thermomètre : la comptabilité climatique et les actions de lutte pour le climat couvrent les émissions territoriales de chaque pays (ce que nous produisons) au lieu de couvrir notre empreinte carbone (ce que nous consommons). Or, 37% de nos ~16 tonnes d’empreinte carbone sont dues aux émissions de fabrication des produits que nous importons. L’empreinte carbone des Français comporte plus d’émissions importées que d’émissions territoriales et l’augmentation des émissions importées compense la diminution des émissions territoriales. C’est mauvais pour notre économie et cela ne change rien au climat, que du contraire.
Nous devons arrêter le dumping environnemental et la délocalisation carbone. Même si l’intention de base est excellente, le système de quotas carbone actuel (ETS ou SEQE) ne couvrant pas les émissions importées, risque d’être contourné. En effet, en augmentant les coûts de production en Europe, il améliore la position concurrentielle de ceux qui sont moins vertueux et risque de favoriser la fuite de carbone et d’activité économique hors de nos frontières (distorsion de la concurrence …). A l’instar des paradis fiscaux, il y a création de « paradis » environnementaux. Le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (CBAM ou MACF) récemment décidé par l’Union européenne (UE) n’est qu’un emplâtre sur une jambe de bois. Il maintient des distorsions des chaines de valeurs (importer la voiture plutôt que l’acier) et ne résout par la pénalité imposée aux exportations de nos entreprises. Enfin, l’un comme l’autre (ETS-CBAM) risquent d’être inefficaces si la délocalisation d’émissions est plus importante que la réduction de quotas.
Les Engagés prônent 3 mesures correctrices vitales pour protéger le climat tout en combattant le dumping environnemental. À défaut le risque est de créer des déserts industriels sans gain en matière climatique :
- (1) Étendre le système de quotas / taxe carbone à toutes les entreprises, y compris pour la fabrication de produits finis ;
- (2) Corriger le mécanisme de fixation du prix ETS/CBAM, p.ex. en intégrant les quotas achetés pour l’import dans le marché interne (vision empreinte carbone) ;
- (3) Subsidier les exports vers les pays sans équivalent ETS pour annuler leur désavantage compétitif.
Pour y parvenir, l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) devrait intégrer une exception climatique à ses règles. Sinon ? Les Engagés sont favorables à passer outre l’OMC et l’ignorer comme le font déjà la Chine et les USA. Il s’agit en l’espèce d’un cas de force majeure qui engage l’avenir de l’humanité et de la planète.
Généraliser un système de quotas / taxe carbone aura inévitablement un impact sur les prix et donc sur le pouvoir d’achat des citoyens. C’est pourquoi, l’ensemble de ces prélèvements doivent servir au financement de la transition et d’un Dividende Carbone. Chaque citoyen recevra la même somme, celui qui polluera peu verra donc ses revenus augmenter.
3. Impliquer directement les citoyens dans la diminution de leurs émissions énergétiques : Comptabilité Carbone Individuelle et « Carbos » pour transformer les citoyens en consom-acteurs.
En plus du levier économique (signal prix), pour faire évoluer les comportements et transformer les citoyens en véritables acteurs de la transition, il convient d’actionner le levier psychologique et le levier social.
Les Engagés plaident pour la création d’un système d’échange d’information carbone permettant à chaque citoyen decomptabiliser ses émissions carbones personnelles et qui serait intégré au système d’échange d’information sur les transactions financières. Un tel outil permettrait à chacun d’être plus conscient de l’impact de ses actes sur ses émissions et d’agir en conséquence. Cela permettrait par ailleurs de sensibiliser plus facilement aux « justes » limites des émissions individuelles pour atteindre le net-zéro.
Pour plus de justice sociale dans la lutte contre le climat, Les Engagés lancent le débat sur l’introduction d’un revenu de base « carbo » individualisé pour compenser les émissions énergétiques privées (voiture, chauffage et pourquoi pas avion ?), idéalement au niveau européen. Chaque citoyen recevrait gratuitement un quota individualisé d’émissions carbone (les « carbos », à l’instar des « euros ») équivalent au niveau moyen de consommation. Chaque fois qu’il consomme de l’énergie fossile, il paierait le prix normal en euro ainsi qu’un nombre de Carbos équivalent aux émissions correspondantes. Si une personne a trop ou pas assez de Carbos, elle pourrait en revendre ou en acheter sur une bourse Carbo. Ceci permettrait de concilier l’incitation de comportements positifs et la liberté de choix des personnes. Le nombre de Carbos mis en circulation diminuerait chaque année pour suivre le budget carbone national. Cela aurait le bénéfice additionnel de rendre visible à chaque citoyen ses émissions, d’encourager les changements de comportement et de remplir l’obligation de résultat de plafonnement des émissions. Nous sommes conscients des réalités spécifiques de chacun. Des modalités de mise en œuvre (p.ex. nombre de quotas attribués plus important) ou des mesures d’accompagnements ciblées (p.ex. aide à l’investissement énergétique) peuvent être envisagées pour différents publics comme celui vivant en milieu rural.
4. Une vision claire et systémique et le courage d’assumer un autre modèle de société : diminuer la consommation matérielle et énergétique fait partie du mix !
La transition climatique n’est possible que si on a une vision systémique des changements à faire et si on assume qu’il faudra changer, même si cela implique des mesures radicales qui, au lieu de faire peur, doivent au contraire rassurer sur notre avenir commun. L’effort à faire est considérable. En plus de réduire nos émissions importées, notre plan prévoit de redoubler d’efforts pour réduire nos émissions énergétiques (75% des émissions territoriales) de 91% (Figure 2). En matière énergétique, la question n’est pas « ou » mais « et », il faut actionner tous les leviers : Sobriété (- 30%), Energie renouvelable (- 23%), Nucléaire (-25%), Hydrogène vert – Biomasse – Biofuels (-13 %).